Ricardo Menéndez Salmón, La noche feroz

February 9, 2021
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Ricardo Menéndez Salmón, La noche feroz, booket, 2013. La nuit féroce, do, 2020.

De tous les plaisirs que connaît l’homme ; aucun n’est plus intense que celui de faire du mal. La contemplation de la beauté ou la transe de l’amour physique ne peuvent se comparer avec la jouissance de casser un os. (p. 68)

Les maisons d’édition françaises ne se bousculent pas pour proposer des auteurs espagnols ou, plutôt, elles s’en tiennent à rééditer des auteurs consacrés (Vázquez Montalbán, Muñoz Molina, Javier Cercas Rafael Chirbes, Vila Matas, Javier Marías, Victor del Árbol, qui, surtout les deux deniers, ne sont cependant pas ce qu’on peut appeler des auteurs « grand public ». Néanmoins, ils jouissent d’un succès mérité.

C’est pourquoi, il faut se réjouir de constater que de petites maisons d’éditions, qui méritent d’être connues, assument le risque de révéler des auteurs inédits en France.

C’est le cas des éditons do, de Bordeaux qui viennent de publier La nuit féroce, un court roman qui reçu une critique élogieuse dans Le Monde des Livres du 10 juillet dernier.

J’avais découvert ce livre peu après sa parution en Espagne en 2006 et il m’avait laissé un bon souvenir. C’est donc à partir de cette édition que j’écris les commentaires qui suivent.

Il s’agit du dernier volet de la Trilogie du Mal, composée de L’offence (Actes Sud, 2009), La débâcle(Jacqueline Chambon, 2015) et La nuit féroce De ces trois romans, La nuit féroce est sans doute le plus accessible, Ricardo Menéndez Salmón, auteur consacré en Espagne, n’étant pas toujours un auteur facile.

La nuit féroce est un roman rural. L’histoire se déroule en 1936, pendant une nuit d’hiver à Promenadia, nom fictif d’un hameau de l’Espagne profonde, arriérée et violente de cette époque.

Il est conçu selon la règle des trois unités de la tragédie : un seul lieu (Promenadia), un seul temps (une nuit d’hiver),une seule action (la traque des chasseurs).

Le roman s’ouvre sur une scène dantesque . Labeche, un vagabond pauvre d’esprit, pyromane et cruel. Il exécute ce que lui dictent ses rêves. C’est ainsi qu’il met le feu à l’étable où il vient de passer la nuit à la chaleur des vaches après avoir arrosé celles-ci d’essence. Ensuite, il s’enfuit vers le village. On le retrouvera au dernier chapitre dans une nouvelle scène de feu.

Le village, principal protagoniste, est traumatisé par le viol et l’horrible assassinat d’une gamine dont le corps a été jeté dans un puits.

Les habitants sont classés en trois catégories au rythme des chapitres : les amphitryons, les chasseurs et les innocents.

Les amphitryons sont un paysan, appelé El amo ( le patron), un être bestial, fourbe, sa femme enceinte, leurs enfants, dont une fille hydrocéphale. C’est chez lui que viendra manger don Homero, l’instituteur itinérant, surnommé Le pique-assiette, parce qu’il s’invite à manger chez les gens des hameaux qu’il traverse. C’est le seul personnage doté d’humanité et d’intelligence avec Irizabal, le cacique, un homme censé mais qui utilise ses capacités en s’enrichissant sur le dos des paysans.

Ils sont les témoins passifs du drame qui se prépare et dont ils ne perçoivent que des échos (coups de fusil, bruits de pas, aboiements de chiens…)

Les innocents, sont deux chemineaux arrivés au mauvais endroit au mauvais moment. Malgré les mises en garde de don Homero.

Les chasseurs sont le père Aguirre, un curé exalté, qui se prend pour le justicier, le seigneur, l’oracle des lieux. Il a persuadé Ezequiel et le meunier, surnommé La mort, à cause de sa laideur, deux individus veules et influençables de se joindre à lui pour trouver, traquer et abattre les supposés assassins de la fillette. Plus tard, Le patron complètera le trio diabolique. Armés de leurs fusils et accompagnés de leurs chiens, ils font des rondes nocturnes dans le village.

Ces quatre individus sont des représentations du Mal, l’un le père Aguirre en est l’incarnation, tandis que les deux autres sont les images du sadisme des lâches.

 

Le Mal est au cœur de la trilogie de Menéndez Salmón. Le Mal qui se traduite par la violence, larvée, contenue ou exprimée, par ’attrait qu’il exerce sur les individus (La débâcle), par la fascination (L’offence) et par la capacité de le faire (La nuit féroce).

La description de cette violence contraste avec une écriture souvent proche de la préciosité.

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