Jon ARRETXE, Sombras de la nada

February 8, 2021
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Jon ARRETXE, Sombras de la nada, Erein, 2014

Si les dédicaces des deux premiers romans étaient adressées à des amis ou des proches, celle de Sombras de la nada, Erein, 2014 est adressée « A tous ces Africains qui n’existent pas bien qu’ils soient parmi nous ». Comme le titre, cette dédicace avertit le lecteur de ce que ce roman va être encore plus pessimiste que les précédents.

Le roman s’ouvre sur une scène clownesque avec un individu qui entarte un présentateur à l’ouverture de la Foire du Livre, manifestation à laquelle participe Touré déguisé en GerónimoStilton, la souris d’une série de livres pour enfants. Ce sera l’unique touche d’humour de ce roman qui se terminera sur des réflexions très amères d’un Touré proche du suicide.

Il reçoit un appel téléphonique de sa fille Sira qui vit en France. Elle lui annonce son arrivée. Comme Touré sans papiers et sans d’argent, il confie à sa compagne Cristina la mission d’aller chercher sa fille à la gare d’Hendaye. Mais Sira n’est pas dans le train. Cristina dépose une plainte au commissariat dans se faire aucune illusion de l’intérêt de la police pour son cas : « elle se demandait quelle aurait été leur réaction si la personne disparue avait été d’une couleur plus claire, plus française » (p.78). Par conséquent, elle décide de mener la recherche pour son compte.

Pendant ce temps, dans la Petite Afrique, Touré bien que préoccupé par la disparition de sa fille, aide un peu à contre-coeur, une prostituée nigériane à retrouver son bébé qui a été séquestré.

On retrouve les mêmes protagonistes que dans les romans précédents : Cristina, la compagne de Touré, Osmán, l’ami fidèle, Ibrahim, le fou (mais cette folie lui coutera la vie), les Nigérians, les gitans et la paire de policiers qui ne quittent pas Touré des yeux…et le même environnement, le quartier de San Francisco et le bar Berebar.

Mais, à la différence des romans antérieurs, la tonalité est distincte, l’humour a cédé la place à de noirceur et à plus de tendresse aussi, sans jamais tomber dans le misérabilisme.

Quant à Touré, il se fait plus discret, plus prudent, surtout avec les policiers. Et même ceux-ci, au courant du malheur de Touré, vont faire preuve de plus de compréhension et de plus de retenue.

Une autre différence réside dans le rôle que jouent les femmes : Sira qui s’est volatilisée entre Paris et Hendaye, Cristina qui prend la place de Touré pour mener les recherches, Uwa, la jeune prostituée Nigériane qui cherche son bébé qui a disparu, Mariam, la femme de Touré restée au Burkina Faso et qui s’inquiète pour son mari et pour sa fille.
Il met surtout en relief le calvaire que subissent les femmes, frappées et violées pendant le trajet pour terminer dans des réseaux de prostitution à la fin du voyage, tandis que les hommes sont livrés à eux-mêmes.

Sombras de la nada consacre aussi plus de pages au calvaire que subissent les immigrants, depuis leur sortie d’Afrique jusqu’à leur arrivée en Europe, toujours à la merci des trafiquants d’êtres humains, à la merci également des avocats marrons qui leur extorquent le peu d’argent qu’ils ont pour prétendument leur fournir les documents qui leur permettaient de sortir de l’illégalité. A la merci de la mafia nigériane. A la merci des réseaux islamistes naissants qui promettent un autre paradis à ces êtres déboussolés. A la merci aussi des menaces, voire des bavures de la police.

Le roman aborde le trafic avec les enfants des prostituées, les « bébés noirs [vendus] pour consoler des ménages blancs, le trafic des enfants arrachés aux bras de leurs mères pour rassasier les caprices sexuels de dégénérés, le trafic d’organes d’enfants pauvres pour sauver la vie de gosses de riches ». (p. 244).

Lire un extrait

« En ce moment mon esprit s’est envolé vers l’Afrique et je me suis souvenu avec quelle joie et quelles illusions nous accueillions dans notre village les visiteurs blancs qui venaient à notre grand marché du jeudi. Tout le monde voulait leur donner la bienvenue […] même si ces blancs n’étaient que de pauvres malheureux dans leurs pays respectifs. Mais en Europe c’était une autre chanson ; en Europe quand on inverse les rôles, tout est différent. Nous, les noirs, nous sommes bien accueilllis si nous sommes capables de divertir les blancs avec notre musique, avec nos danses ou en étant de bons joueurs de footbal….Si ce n’est pas comme ça, nous pouvons aller en enfer aussi respectables fussions-nous dans nos pays d’origine ». (p. 186)

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